Interview croisée CERVVAL / SHOM : « La tête dans les nuages de points »
1. Quelle est la solution innovante développée ?
Jean-Baptiste DODEUR : « La solution développée est une application pour traiter et visualiser en réalité virtuelle les nuages de points bathymétriques. Ces nuages de points sont la représentation visuelle des données issues des campagnes en mer (levées bathymétriques) et des campagnes aéroportées en zone littorale (levées altimétriques LiDAR).
Cette donnée ne peut pas être exploitée telle quelle, il est nécessaire de la nettoyer pour supprimer les erreurs, que l’on appelle du « bruit ». Ce bruit est dans la plupart des cas généré par les capteurs et par l’environnement (ex : banc de poisson dans le cas d’un sondeur multifaisceaux). Le traitement, opéré par les agents du Shom sur des stations de travail traditionnelles, est généralement long, répétitif et subjectif dans certains cas complexes. A cela, s’ajoutent des difficultés de visualisation de la 3D à l’écran et l’impossibilité d’afficher de la donnée contextuelle à l’écran (carte marine, topographie, bathymétrie antérieure).
La solution développée avec Cervval va faciliter la visualisation et le traitement de la donnée. En réalité virtuelle, il est intuitif de supprimer les points de donnée inutiles. De plus, un mode collaboratif a été pensé pour faciliter les interactions entre les différents acteurs du processus de traitement.
Enfin, il est possible d’alterner entre une vision à l’écran et une vision dans le casque de réalité virtuelle : l’idéal est d’éviter de passer une journée entière de travail dans le casque, et de ne l’utiliser seulement que dans les cas complexes. »
Pierre-Antoine BEAL : « L’une des missions du Shom est la production de cartes marines et de navigation. Pour ce faire, les équipes de l’établissement réalisent des campagnes d’acquisition de téraoctets de données bathymétriques qu’il faut traiter, transformer et stocker. Ces dernières sont très volumineuses, comprennent des erreurs (dues aux capteurs) et doivent être traitées manuellement. Cela prend beaucoup de temps. L’objectif de l’équipe Cervval était de répondre à ces problématiques, d’apporter un gain de temps, d’améliorer le confort des utilisateurs et de gagner en efficacité. »
2. Quels sont les domaines d'expertise concernés ?
Jean-Baptiste DODEUR : « Pour le Shom, la solution porte principalement sur les sciences et techniques de la mer, à savoir la bathymétrie, qui est la mesure des profondeurs de l’océan, et l’altimétrie littorale, qui permet de mesurer à la fois la topographie et la bathymétrie d’un territoire. »
Pierre-Antoine BEAL : « Afin de répondre aux besoins, l’équipe Cervval s’est appuyée sur le socle technologique Digitwin. La solution développée mobilise des savoir-faires multiples mêlant développement logiciel, réalité virtuelle, intelligence artificielle (IA) et conception centrée utilisateurs (UX Design). »
3. Quels ont été les rôles respectifs de Cervval et du Shom dans le développement de l'application ? Quelles ont été les compétences déployées pour le développement ?
Jean-Baptiste DODEUR : « Le laboratoire d’innovation du Shom et les ingénieurs hydrographes ont rédigé le cahier des charges. L’équipe UX design de Cervval est ensuite venu interviewer les opérateurs du Shom, afin de mieux cerner le besoin. La fonctionnalité de passage du mode 2D à la RV a été proposée au Shom par Cervval suite à une séance d’interview. Cervval s’est ensuite occupé du développement de la solution, avec des tests Shom. »
Pierre-Antoine BEAL : « Chaque application est développée conjointement avec le client. L’équipe analyse les besoins afin de développer une solution sur mesure. Les compétences déployées sont variées.
- Grâce à leurs compétences techniques, nos ingénieurs ont développé une application utilisée à la fois sur ordinateur et en réalité virtuelle.
- IA-R&D : Dans ce projet, nos ingénieurs IA et R&D ont réalisé des études afin d’apporter des pistes pour automatiser le traitement de la donnée.
- Conception centrée utilisateurs : Afin de répondre au mieux aux besoins du client, l’équipe a réalisé des phases d’observation et des temps d’échanges afin de comprendre les problématiques, l’expertise métier et d’apporter une réponse sur mesure aux hydrographes et aux opérateurs. »
4. Quels sont les bénéfices de l'application ?
Jean-Baptiste DODEUR : « Les bénéfices attendus sont de plusieurs natures. Dans un premier temps, cela permettra de manipuler la donnée 3D massive et complexe de façon plus efficace, en réduisant les temps d’apprentissage des processus de traitement.
Dans un second temps, la solution permettra d’améliorer l’attractivité de la tâche. Enfin, cela nous permettra de monter en compétences sur les outils XR (réalité virtuelle, réalité mixte et réalité augmentée).
L’application est tout d’abord un prototype. Les résultats de l’expérimentation en cours permettront de décider si une suite est donnée pour une intégration aux processus de production actuels. »
Pierre-Antoine BEAL : « En plus du confort, du gain de temps et de l’efficacité des professionnels, l’application permet de superposer aux données bathymétriques (représentées par des nuages de points) d’autres éléments tels que les cartes marines, le niveau de la mer, etc. Cette superposition de données n’était pas possible sans l’application développée. Elle facilite et accélère la comparaison d’informations issues de sources diverses. De plus, grâce à la réalité virtuelle, les hydrographes et les opérateurs peuvent désormais manipuler la donnée en immersion ce qui facilite l’appréhension de sa complexité. Enfin, l’outil permet de travailler en mode collaboratif pour que chacun apporte son expertise sur un support de travail unique. »
5. En quoi l'adhésion au Pôle Mer Bretagne Atlantique est-elle bénéfique ?
Jean-Baptiste DODEUR : « L'adhésion au Pôle Mer Bretagne Atlantique offre plusieurs avantages et bénéfices pour les acteurs de l'industrie maritime et des sciences marines. Pour le cas du Shom, l’accès à un réseau professionnel industriel maritime afin de connaitre les acteurs et les compétences des différents secteurs. De plus, la veille technologique et d’innovation et la participation à des événements autour de ces thèmes fait émerger des idées, projets et partenariats qui ont du sens pour les différents acteurs. En résumé, l'adhésion au Pôle Mer Bretagne Atlantique nous offre cadre propice à la collaboration et à l'innovation. »
Pierre-Antoine BEAL : « L'adhésion au Pôle Mer Bretagne Atlantique permet entre autres de bénéficier d'un accompagnement dans nos démarches d'innovation et d'une mise en réseau.
Par exemple, le projet SubSEE4D a été labellisé par le Pôle Mer Bretagne Atlantique et par Images & Réseaux. L'objectif était de développer des briques technologiques de jumeau numérique d’éoliennes flottantes, et plus particulièrement de la partie sous-marine. Un jumeau numérique est une représentation virtuelle d’un système physique qui permet de simuler son fonctionnement et de prédire son comportement dans différentes conditions. Le projet comporte deux parties principales : l’imagerie sous-marine et la modélisation du comportement dynamique des éoliennes et des lignes d’ancrage. La partie imagerie sous-marine a consisté à développer des outils pour améliorer la qualité des images sous-marines et pour faciliter la détection de biofouling ou de rouille sur les structures immergées et les câbles sous-marins. La partie sur la modélisation du comportement dynamique des éoliennes et des lignes d’ancrage a consisté à développer une méthode et un modèle pour prédire le mouvement des éoliennes flottantes en fonction des conditions météorologiques et océanographiques.
France Energies Marines et l'IMT Atlantique faisaient également partie du projet. SubSEE4D nous a permis d'obtenir un autre projet avec confiance.ai, le programme de recherche technologique français sur l’IA de confiance. Afin de le mener à bien, Cervval a mobilisé son expertise en intelligence artificielle autour du traitement par image et de la vision par ordinateur. »