BSB Marine: OSCAR, cette innovation qui donne des yeux aux bateaux
C’est la hantise des coureurs au large : le choc avec un OFNI. Le genre de fortune de mer qui brise net un Vendée Globe ou une Route du Rhum en une fraction de seconde. Et qui au-delà de l’intégrité d’un voilier menace aussi la sécurité de son skipper ou de son équipage. Pour s’en prévenir, les outils (radar, AIS…) sont trop limités ; et ce d’autant plus à l’heure où les foils ratissant les océans à très haute vitesse obligent les marins à s’en remettre à leur bonne étoile. Ou encore à OSCAR*, ce nouvel outil embarqué qui apporte la promesse de réduire ce risque majeur grâce à un procédé de vision thermique allié à l’intelligence artificielle, développé par la société autrichienne BSB AI et sa filiale française BSB MARINE dirigée par Gaëtan Gouérou. La start-up a trouvé son port d’attache au cœur de la Sailing Valley à Port-La-Forêt (29) et développe ce système en vue d’en faire une solution d’avenir pour éviter les collisions frontales et fatales…
Comment est né OSCAR ?
Gaëtan Gouérou :« Le système OSCAR est né dans la tête d’un jeune ingénieur franco-allemand, Raphaël Biancal, qui s’était rendu compte lors d’une première transat qu’il n’existait aucun dispositif pour aider à avoir une vision de nuit. Pas plus qu’il n’en existait à bord des bateaux du Vendée Globe, une course qui a toujours déploré son lot de collisions contraignant à l’abandon. Il a alors eu l’idée de mettre en pratique sa connaissance des technologies à l’œuvre dans le domaine de la voiture autonome au service des voiliers IMOCA. À l’époque, en 2017, j’étais délégué de la classe et il m’a contacté pour m’indiquer qu’il avait imaginé un système embarqué léger qui consomme très peu d’énergie afin de répondre à ce besoin impérieux de limiter le risque de collision. Je me suis alors rapproché de Jean Le Cam avec qui ont a fait des premiers essais avec un prototype. J’ai aussi contacté Vincent Riou, François Gabart et Armel Le Cléac’h. Avec ces vainqueurs du Vendée Globe, nous avons rédigé le cahier des charges au printemps 2018. La Route du Rhum 2018 et la Transat Jacques Vabre 2019 ont ensuite constitué des galops d’essai importants pour nous permettre d’avancer, de finaliser le « hardware » et de proposer une version bêta pour le « software ». OSCAR a équipé 18 bateaux du dernier Vendée Globe, soit 60% de la flotte, dont le retour d’expérience va être précieux pour faire progresser le dispositif. »
En quoi consiste ce système, comment fonctionne-t-il ?
G.G :« OSCAR, qui propose une solution optique, vient compléter la gamme des outils à la navigation comme le radar, l’AIS ou le sonar qui s’intègrent dans les centrales de navigation avec des outils interconnectés les uns aux autres. Notre solution s’articule autour d’une unité de vision avec trois caméras : deux thermiques pour la nuit, et une en couleurs le jour. Pesant 700 grammes, installées en tête de mât pour jouer le rôle de vigie, elles sont associées à une unité de calcul embarquée, en veille automatisée qui ne nécessite plus d’avoir quelqu’un derrière l’écran pour repérer la présence d’un OFNI. Le système fonctionne par ailleurs avec une alarme, de plus en plus forte entre 600 et 100 mètres, à mesure que l’objet détecté se rapproche. L’intelligence artificielle d’OSCAR repose sur un processus d’auto-apprentissage, le deep learning. L’enrichissement de sa base de données est alimentée par les navigations de ses utilisateurs dont les images enregistrées permettent en quelque sorte de l’éduquer dans la détection des objets flottants en surface : une bille ou palette de bois, un container, une bouée, un cétacé, et bien sûr un bateau, etc. L’expérience utilisateur garantit sa capacité à évoluer et progresser. »
©Thunderbolt-BSB Marine
Quelles sont aujourd’hui les évolutions et les applications que vous envisagez développer ?
« Nous allons travailler sur les retours utilisateurs du Vendée Globe, dont nous commençons à récupérer les disques durs. Nous avons déjà l’immense satisfaction que l’ensemble des boîtiers installés en tête de mât ait bien tenu sur un tour du monde. Dans le même sens, notre collaboration avec l’aire marine protégée de Port-Cros dans un rôle de surveillance, ou encore celle établie avec le bateau Blue Panda de WWF, destiné à des campagnes d’observation des cétacés en Méditerranée, vont contribuer à aider OSCAR à gagner en pertinence et performance dans l’analyse des images. Le système trouvera par ailleurs la totalité de son intérêt quand il sera couplé au pilote automatique, qui pourra prendre de lui-même et le plus rapidement possible, la décision de dévier la route, un peu comme le système de freinage automatique à bord des voitures autonomes. Dans une autre logique, OSCAR, grâce à sa vision thermique, a la capacité de jouer un rôle majeur dans la recherche d’un homme à la mer. Nous disposons actuellement d’une petite cinquantaine d’appareils. Nous travaillons sur une importante levée de fonds, qui doit nous accompagner dans une démarche d’industrialisation et de commercialisation pour que ce dispositif se généralise au-delà de la course au large, dans le monde de la grande plaisance comme dans d’autres filières maritimes. »
* OSCAR - Optical System Cognition And Ranging