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Que le Ministère des Armées s’intéresse de très près aux innovations civiles qui bousculent les normes et permettent des bonds technologiques dans des domaines de haute importance stratégique, comme les drones, l’intelligence artificielle ou la cybersécurité, ne relève pas du secret-défense. Au contraire, en misant sur la dualité, en plaçant la captation d’innovations au rang de ses premières priorités, la Défense s’inscrit depuis plusieurs années déjà dans une démarche proactive pour stimuler les nouvelles technologies inscrites sur une collaboration entre le monde économique des PME et ETI et ses services opérationnels.

Autour de l’Agence Innovation Défense, son bras armé dédié aux technologies émergentes, le monde militaire s’organise pour développer des projets collaboratifs contribuant à garantir autonomie stratégique et souveraineté nationale. Autant d’opportunités pour les acteurs du monde maritime positionnés à l’avant-garde de nombreux secteurs de pointe, invités à embarquer dans des aventures entrepreneuriales structurantes.

Petit tour d’horizon des bonnes raisons de jouer le jeu de la dualité qui encourage et accélère l’expérimentation et le déploiement à double portée des innovations les plus inventives et prometteuses…


Deuxième secteur économique mondial, le maritime se caractérise par la force de ses industries traditionnelles et la vitalité de ses filières émergentes, toutes deux génératrices de solutions innovantes. Dans ce contexte, la France possède des atouts stratégiques et économiques de premier plan. Située au carrefour des routes maritimes européennes mais aussi présente sur tous les océans grâce à ses implantations ultramarines, la France, deuxième espace maritime mondial, se distingue par la pertinence et l’efficience de son économie bleue. Cette économie foisonnante, à la croisée des filières, assure des fonctions stratégiques garantes de sa souveraineté dans de nombreux domaines, comme l’approvisionnement en matières premières, l’énergie, les transports, ou encore la communication.


La Défense à l’écoute de l’ingéniosité et de la créativité civiles

Pas étonnant donc que l’univers maritime pris dans toute sa diversité, qui répond à la croisée de tous les secteurs de l’économie aux besoins de l’humanité et du mode de vie de nos sociétés, intéresse à plus d’un titre le monde de défense qui fait de la captation de l’innovation un objectif phare. « L'intelligence artificielle est emblématique de l'inversion des circuits d'innovation traditionnels, puisqu'elle vient du monde civil. Qu'il s'agisse d'innovations profondes, de ruptures, ou d'usages, le schéma traditionnel est bousculé. Or l'innovation est la condition indispensable à la préservation de la supériorité tactique de nos armées et de la souveraineté de la France », justifie Emmanuel Chiva, directeur de l’Agence innovation défense, qui orchestre depuis février 2018, le rapprochement entre les services opérationnels des armées et la société civile. Dans la même logique, le lancement, par Florence Parly, ministre des Armées, de la Red Team rassemblant des auteurs de science-fiction invités à mettre à profit leur créativité pour imaginer des technologies d’avenir et des scénarios futuristes, témoigne de la volonté affichée de la Défense de s’ouvrir en grand aux idées nouvelles qui sortent des sentiers battus.   Capture decran 2021 04 12 a 11.19.27 copie copie

« Le terrorisme spontané, les cyber-attaques, les armes bactériologiques et chimiques, le déploiement de drones constituent autant de nouvelles menaces qui se conjuguent. De nouveaux espaces de conflictualité émergent, tels que le milieu cybernétique, le spectre électromagnétique, le champ informationnel ; nos compétiteurs stratgéiques les ont largement investis. Prenez également les fonds marins, leur exploration et leur exploitation constituent un défi majeur à la fois sur le plan civil et militaire.  Tout comme la sécurité environnementale qui, face aux risques de catastrophes naturelles, devient un enjeu prioritaire de la sécurité nationale », souligne de son côté Frédéric Renaudeau, conseiller Défense au Pôle Mer Bretagne-Atlantique. « Face à ces problématiques qui se complexifient, l’innovation sous toutes ses formes, qu’elle soit du temps long ou du temps court, apporte des réponses concrètes susceptibles de garantir à nos armées une supériorité opérationnelle de manière pérenne. Elle est gage d’autonomie stratégique », justifie celui qui au sein du réseau rencontre et auditionne des porteurs de projets, et les accompagne ensuite dans des démarches les positionnant dans une logique de dualité à part entière.


Dualité toutes filières confondues

La dualité, qui consiste à tirer parti de l’exploitation de compétences, de technologies, de produits et de procédés communs pour satisfaire des besoins exprimés sur des marchés différents, est partout. Depuis toujours, elle fait partie de l’ADN des deux Pôles Mer Bretagne-Atlantique et Mer Méditerranée et de leurs réseaux de près de 1000 adhérents composés pour moitié de TPE/PME qui font de l’innovation le moteur de leur développement. Nombreux sont les projets transversaux concernant les six domaines d’actions stratégiques de leur feuille de route 2019/2022 * qui croisent les filières et s’inscrivent de fait dans une logique de dualité évidente. Il en est ainsi du concept de foils sur lequel cogitent avec conviction les cabinets d’ingénierie et d’architecture navale pour équiper aussi bien des coursiers océaniques du Vendée Globe, que des semi-rigides, notamment ceux développés par SeaAir pour répondre aux attentes des plaisanciers, comme aux besoins des commandos marins. La multiplicité des usages, tant dans le domaine de la collecte de données que ceux de la prévision et du routage météorologiques, ou celui de la préservation des ressources encouragent des transferts de technologie d’une filière à l’autre, des marchés civils au monde militaire. Les capteurs et vecteurs à fonctionnalités duales environnement/sécurité font d’ailleurs partie des propositions formulées à l’automne dernier par les deux Pôles Mer pour inscrire l’économie bleue au cœur du vaste dispositif Plan France Relance.


Inventaires à la Prévert des besoins et moyens militaires

Énergie, intelligence artificielle, espace, cyberdéfense, hypersonique, armes à énergie dirigée, quantique, robotique, capteurs et composants critiques…. C’est bien un inventaire à la Prévert auquel il faut recourir pour énumérer les domaines d’innovations à haute teneur maritime pouvant répondre aux besoins opérationnels militaires. Les moyens mis en œuvre par le Ministère des Armées pour encourager et capter ces technologies civiles portées par des structures déjà bien implantées sur leur marché primaire sont également à la hauteur de ses ambitions en la matière. De la Base industrielle technologique de défense (BITD), renforcée pour recenser de manière plus large les entreprises françaises fournissant le ministère des Armées (au nombre d’environ 4000 aujourd’hui), en passant par les dispositifs ASTRID et RAPID sur la base de subventions allouées aux programmes de recherche et aux projets portés par des PME, jusqu’au Fonds Innovation Défense (FID) récemment crée au profits d’entreprises innovantes en phase de croissance, en complément de Definvest, autre fonds d’investissement destiné à sécuriser le capital d’entreprises d’intérêt stratégique : les outils et les aides se conjuguent au pluriel pour accompagner cette démarche d’ouverture. En termes budgétaires, cette stratégie vis-à-vis de l’innovation qui compte au rang d’une des quatre grands volets de la Loi de Programmation Militaire 2019-2025, se mesure à hauteur de 1 milliard d’euros prévu pour 2022.

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Du « gagnant-gagnant » sur les deux fronts

Du côté des PME, les intérêts de se positionner vis-à-vis des marchés de la Défense ne manquent pas. « D’abord, il y a le partage des coûts de R&D qui constitue un soutien de taille pour faire évoluer une innovation et la pérenniser. C’est aussi une ouverture de la porte vers des marchés publics, et à des financements pour développer leurs projets et leur créativité. C’est également un pied à l’étrier pour accéder à des marchés européens, ceux de l’Europe de la Défense, et ceux soutenus par le Fonds Européen de Défense (FED) doté de 7,953 Md€ pour 2021-2027. Le marché militaire et de sécurité, gage de crédibilité, joue clairement un effet accélérateur pour se développer à l’export. Sans compter qu’une entreprise identifiée comme travaillant pour la Défense peut bénéficier d’un financement pour se protéger des cyber-attaques », précise Frédéric Renaudeau qui fait l’interface sur les territoires de la Bretagne et des Pays de la Loire entre les entreprises maritimes et le Ministère des armées. Les intérêts, les avantages et les bénéfices se mesurent des deux côtés. Preuve s'il en est que la dualité civile/militaire offre, dans le contexte de la guerre technologique mondiale, une logique vertueuse de gagnant-gagnant, sur les deux fronts.

* les 6 domaines d’actions stratégiques de la feuille de route 2019/2022 « Défense, sûreté et sécurité maritime », « Naval et nautisme », « Ressources énergétiques et minières marines », « Ressources biologiques marines », « Environnement et valorisation du littoral », « Ports, logistique et transport maritime ».


À LIRE le communiqué de presse du MINARM : « Action PME » : au quotidien, le ministère des Armées est aux côtés des PME


RESSOURCES

L’Agence innovation défense
Document de référence de l'orientation de l'innovation de défense (DrOID)
Bilan d'activités de l'innovation de défense 2019  (lien téléchargement)

ORION  (organisation pour la recherche et l’innovation opérationnelle navale) : cluster d’innovation technologique et relais privilégié des PME créé par DGA (Direction générale de l’armement) aux côtés de quatre partenaires fondateurs : la Marine nationale, le Technopôle Brest Iroise (TBI), l’ENSTA Bretagne et l’Ecole navale et avec l'appui du Pole Mer Bretagne Atlantique.
Le Fuscol@b : le laboratoire d’innovation de la force des fusiliers-marins et commandos de Lorient