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Le monde portuaire est pluriel. Entre terre et mer, les ports, qu'ils soient militaires, de commerce, de pêche ou de plaisance, sont des portes d’entrée et de sortie des territoires, qu’ils relient au reste du monde. Ils sont essentiels à une économie interconnectée, dynamique et vivante. En évolution permanente, ces espaces polyvalents, animés par des communautés d'acteurs divers, sont à la croisée des métiers, des accélérateurs des grandes évolutions sociétales. A commencer par celle de la transition énergétique et environnementale, comme celle de la transformation numérique, qui indiquent les caps à suivre pour permettre aux ports de répondre aux nombreux enjeux auxquels ils font face et qui placent l'innovation au cœur de leurs écosystèmes. 

 

image générique de port NL 360

 

Le monde portuaire est en perpétuelle évolution. La fusion récente des ports du Havre, Rouen et Paris en un établissement public unique baptisé « Haropa Port » pour donner lieu à un ensemble portuaire et logistique français à même de rivaliser avec les places fortes d'Europe du Nord (Anvers, Rotterdam, Hambourg) en témoigne. « Portes d’entrée » maritimes de la France, bassins industriels et plateformes logistiques de premier ordre, ces Grands Ports Maritimes (GPM*) créent une richesse et des emplois qui dépassent très largement l’enceinte de la place portuaire. Il en est de même des 500 ports décentralisés, dont la gouvernance peut prendre différentes formes (régies directes, contrats de concession, etc.), qui constituent aussi des maillons incontournables de l'économie bleue sur l'ensemble du territoire.

 

Un immense défi logistique sur fond de transition écologique

« Il est très difficile de déterminer où commence et où finit le monde portuaire. Le nombre de salariés portuaires, entre 15-20 000 stricto sensu, ne rend pas compte du rôle majeur joué par ces écosystèmes. Pour autant, si on considère que 95 % du commerce mondial passe à un moment ou un autre par la mer et rencontre un port, on comprend qu'il n'y a pas d'économie sans port. Un navire, quel qu'il soit, n'existe pas sans havre d'accueil » souligne Meriadec Le Mouillour, vice-président de l'UPF (Union des Ports de France), association professionnelle représentant les exploitants des ports de commerce et de pêche et de l'hexagone. Vaste et aussi divers soit-il, le monde portuaire, en prise direct avec les villes et leurs citoyens, joue un rôle moteur face aux grands défis de société.

 « Qu'il s'agisse d'environnement d'économie ou du numérique, les trois défis majeurs qui se croisent et forment un tout, tout l'enjeu des acteurs portuaires consiste à travailler ensemble pour transformer les contraintes qu'ils rencontrent en des opportunités. Avec l'objectif de créer des chaînes de valeur dans un univers très concurrentiel », ajoute cet expert du monde portuaire. A ses yeux, les grands enjeux d'ordre économique, qu'ils concernent la question de la réindustrialisation, le maintien des activités pêche, de construction et de réparation navale, l'émergence de nouvelles filières (EMR, hydrogène), reposent tous pour une grande part sur la capacité des ports à développer une vision logistique française globale autour d'un maillage solide d'infrastructures.  « Prenons l'exemple du fret ferroviaire, du fret fluvial avec le développement des autoroutes de la mer … Ces solutions d'acheminement inscrites dans une logique de transition environnementale sont aussi des vecteurs efficaces et pertinents pour gagner des parts de marché au-delà de nos frontières, » complète Meriadec Le Mouillour.

Les ports bretons sur le pont de la transition

Preuve s'il en est que les impératifs de développement économique, avec en toile de fond l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon 2050 qui figure en première ligne dans la stratégie nationale portuaire**, sont indissociables du grand défi environnemental. Petits et grands ports, sont tous logés à la même enseigne face à cet enjeu qui rattrape le monde maritime dans toute sa globalité et toute sa diversité.  « Le port se doit d'être le creuset des mutations environnementales à impact positif », estime de son côté Lucile Héritier, directrice des ports de la Région Bretagne, sous l’autorité des six principaux ports (Saint-Malo, Saint-Brieuc, Roscoff, Brest, Concarneau, Lorient) jalonnant la pointe bretonne. Dans la région, comme sur tous les autres territoires de la façade maritime, les collectivités territoriales, propriétaires portuaires, s'efforcent de proposer des services qui vont dans le sens de la préservation de l’environnement. « En offrant des solutions logistiques propres, un port intéresse les entreprises engagées dans des démarches éco-responsables, et inscrit son territoire dans un cercle vertueux. Le port par les services qu’il propose va influencer l’espace rétro-portuaire et l’arrière-pays qui l’utilise. Intégrateur d'activités multiples, c'est un acteur puissant pour accélérer la transition vers des moyens de transports propres et des activités industrielles plus respectueuses » détaille celle qui travaille en étroite collaboration avec les concessionnaires ; qu'il s'agisse d'une SEM comme celle de Lorient qui exploite le port de pêche et l'aire de réparation navale sur le site de Keroman, ou d'une entreprise privée, à l'image du groupe EDEIS en charge de la gestion du port de Saint-Malo.

En Bretagne, le grand et ambitieux chantier du polder de Brest, avec pour double objectif de faciliter l'accès de bateaux de très grande taille aux quais, la gestion des colis lourds,  et d'équiper le site portuaire d'un terminal dédié aux EMR, illustre cette dynamique pour concilier développement économique et préservation de l'environnement. A moindre échelle, mais dans une démarche tout aussi éco-responsable, l'installation d'une trémie dépoussiérée à Saint-Malo d'ici la fin 2021 pour réduire l'impact des opérations de déchargement de cargos et favoriser le recyclage des émissions (poussières et eaux de lavage) va également dans ce sens. « Pour rester attractif un port doit aujourd’hui proposer des services propres et verts. Il doit aussi lui-même être plus propre, en installant des panneaux photovoltaïques, en gérant ses déchets, ses effluents, en maîtrisant ses consommations électriques. C’est le gage de la pérennité des activités portuaires », justifie Lucile Héritier. Là encore, la boucle est bouclée entre les ambitions économiques et les aspirations environnementales qui vont de pair.

Bioénergies et économie circulaire : le port du futur, c'est déjà demain…

 Pour engager sa nouvelle mutation, un port doit répondre à de nouvelles demandes. La première est l’électrification des quais pour stopper l’auto-production polluante des navires, ou encore la mise disposition d'hydrogène pour les petits navires, comme ceux de la pêche. La seconde est la production de bioénergies. Au trio « production/transformation/mise à disposition » de ces nouvelles énergies s'ajoute un ingrédient de poids dans les stratégies portuaires qui font le pari d'une mutation réussie. L'économie circulaire, en faisant des sortants des uns les entrants des autres, constitue en effet un levier efficace pour relever le pari de la décarbonation. Un domaine où les idées nouvelles ont le vent en poupe pour stimuler des innovations et encourager l'émergence de solutions avant-gardistes.

« La pression environnementale et l'impératif d’économie d’énergie forment une double fourche caudine aussi contraignante que stimulante pour les industries maritimes et portuaires. Un nouveau cycle d’innovation se met en place. Navires et ports de demain émergent progressivement, même si rien n’est simple avec des technologies non matures et des solutions encore imparfaites. Néanmoins, le processus de recherche, d’expérimentation et de mise en œuvre opérationnelle va vite », analyse quant à lui Paul Tourret, directeur de l'Institut supérieur d'économie maritime (ISEMAR) de Saint-Nazaire. « Les espaces portuaires sont aujourd’hui des lieux clés de l’innovation. Les chantiers navals, les armateurs, les start-up, les centres de recherches forment un écosystème tourné vers l’avenir », complète ce spécialiste du monde maritime. Autant d'acteurs mobilisés et de signes qui indiquent que les navires de demain sont clairement à l’ordre du jour. Tout comme les ports du futur qui prennent forme et vie aujourd'hui.

L'indispensable transformation numérique du monde portuaire ligérien

Engagé dans la transition énergétique et écologique, Nantes Saint-Nazaire Port, devenu le premier port français pour les énergies marines renouvelables qui propose des services adaptés à ce secteur de pointe (capacité de charge de 15 tonnes par m², équipements permettant la manutention de composants volumineux, zone de 12 hectares pour le préassemblage d'éoliennes offshore, accès routiers adaptés au traitement de cargaisons XXL…) ambitionne aussi de relever le défi de la transformation numérique, qui permet, selon Meriadec Le Mouillour « l’amélioration de la performance économique et environnementale des deux activités principales des ports : la logistique et l’industrie ». Il en est ainsi du guichet unique réglementaire (GUR) de 825 m2  aménagé à Montoir-de-Bretagne. Opérationnel depuis l'automne 2019, cet équipement, qui dispose de quatre unités équipées de quais de déchargement pour accueillir les conteneurs contrôlés par type de produit, rassemble toutes les autorités publiques de contrôle de l’État, notamment douanières, vétérinaires et phytosanitaires. Sur le terminal à conteneurs ligérien, cette centralisation a pour vocation d'optimiser les temps d’inspection des marchandises avec un temps de dédouanement  estimé aujourd'hui à moins de trois minutes en moyenne. Ce GUR est d’autant plus important pour l’avenir que ce port, à dominante énergétique, doit anticiper l'évolution de ses trafics au cours des prochaines années ; avec la disparition de celui du charbon d'un côté et l'apparition de nouveaux commerces, comme ceux liés à l’agroalimentaire à inspection contrôlée, de l'autre.

Encourager des solutions numériques pour répondre aux problématiques rencontrées sur le territoire portuaire ligérien tel est aussi l'objectif de la démarche Smart Port initiée courant 2018 à travers l'organisation d'un hackathon réunissant des étudiants, des entreprises du numériques, des industriels et des acteurs portuaires. Parmi les thématiques abordées, celle liée la mobilité sur ce territoire entre terre et mer a donné naissance à l'application « A bon port », lancée il y a tout juste un an, qui permet à chaque abonné de connaître les mouvements des ponts et des écluses, les travaux de voiries et de maintenance portuaire… Autant de précieuses informations en temps réel sur les événements pouvant impacter la circulation aux abords de l'estuaire de la Loire qui favorisent une meilleure intégration de cette univers portuaire en pleine mutation dans la vie quotidienne de ses citoyens.

Enfin cette nécessaire transformation numérique comporte un autre enjeu de taille, celui de la cybersécurisation des infrastructures portuaires, qui concerne toutes les catégories de ports et qui devra s'adapter à leurs spécificités. C'est l'objet de l'appel à manifestation d'intérêt lancé par le gouvernement dans le cadre du Plan  de Relance.

 

* Grands Ports Maritimes (GPM) en métropole : Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux, Marseille.

En Outre-Mer : Guyane, Martinique, Guadeloupe, Port-Réunion

Un port d'intérêt national relevant de l'intérêt de l’État : Saint-Pierre et Miquelon

** Ressources :

Stratégie nationale portuaire : https://mer.gouv.fr/sites/default/files/2021-01/21002_strategie-nationale-portuaire_WEB.pdf

https://unim.org

https://ports.bretagne.bzh/

https://www.nantes.port.fr/fr

https://www.isemar.fr/fr/